SCHNEIDER Robert - Frère Sommeil (p.37-39)
... Les orages de
sons et de bruits s’abattaient sur les oreilles d’Elias en flots d’une
incroyable ampleur. Un tohu-bohu démentiel de cœurs battants s’éleva, un
éclatement d’os, le bourdonnement et la chanson du sang d’innombrables veines,
un frottement sec et cassant lorsque se séparaient des lèvres, des craquements
et des brisures de dents, une incroyable résonance faite de déglutitions, de
borborygmes, de toux, de salive, de morve et d’éructations, le glougloutis de
sucs gastriques fielleux, le choc d’un jet sonore d’urine, le frôlement de
chevelures et celui, plus sauvage encore, de fourrures animales, la friction
sourde de textiles sur des peaux humaines, le chant ténu de l’évaporation de
gouttes de sueur, une abrasion de muscles, le cri du sang quand se dressait le
membre d’êtres humains et d’animaux. Sans parler du chaos insensé des voix et
des bruits de l’homme et de toute créature sur terre et sous la terre.
Et son oreille pénétrait plus profond, s’enfonçait dans tous ces cris, ces bavardages, ces aboiements, dans ce magma qui parlait, chuchotait, chantait et gémissait, beuglait et jubilait, implorait, sanglotait, soupirait, haletait, lapait et mastiquait, dans le silence subit où les cordes vocales vibraient encore violemment du son des grondements des pensées qui ne parvint à l’oreille de l’enfant. Le champ de son ouïe ne cessait de croître en progression géométrique et de voir des sons de plus en plus pittoresques.
Puis le concert indescriptible des bruits et sons de tous les animaux et de toute la nature, et, au milieu, le nombre interminable de solistes. Les meuglements et bêlements, le souffle des naseaux et les hennissements, le cliquetis des chaînes de harnais, le léchage et la friction de langues sur le sel gemme, le claquement des queues, les grognements et les corps qui roulent, les ballonnements et les pets, les couinements et les cricri, les miaulements et les clabaudages, les caquetages et les cocoricos, les gazouillis et les battements d’ailes, les dents qui rongent et les becs qui picorent, les pattes qui fouillent et grattent…
Et son regard s’enfonça encore plus avant. Vit les bêtes des mers, la chanson des dauphins, la plainte gigantesque des baleines mourantes, les accords de bancs de poissons incommensurables, le crépitement du plancton, les ondes en spirale quand des poissons expulsaient leur laitance, vit la résonance des flots, l’effondrement de montagnes souterraines, la stridence luisante et métallique des fleuves de laves, la chanson des marées, le jaillissement de l’écume, le bourdonnement de milliers de tonnes d’eau aspirées par le soleil, la rumeur, le craquement, l’éclatement d’énormes chœurs de nuages, les fanfares de la lumière…Que sont les mots ?
Et son oreille pénétrait plus profond, s’enfonçait dans tous ces cris, ces bavardages, ces aboiements, dans ce magma qui parlait, chuchotait, chantait et gémissait, beuglait et jubilait, implorait, sanglotait, soupirait, haletait, lapait et mastiquait, dans le silence subit où les cordes vocales vibraient encore violemment du son des grondements des pensées qui ne parvint à l’oreille de l’enfant. Le champ de son ouïe ne cessait de croître en progression géométrique et de voir des sons de plus en plus pittoresques.
Puis le concert indescriptible des bruits et sons de tous les animaux et de toute la nature, et, au milieu, le nombre interminable de solistes. Les meuglements et bêlements, le souffle des naseaux et les hennissements, le cliquetis des chaînes de harnais, le léchage et la friction de langues sur le sel gemme, le claquement des queues, les grognements et les corps qui roulent, les ballonnements et les pets, les couinements et les cricri, les miaulements et les clabaudages, les caquetages et les cocoricos, les gazouillis et les battements d’ailes, les dents qui rongent et les becs qui picorent, les pattes qui fouillent et grattent…
Et son regard s’enfonça encore plus avant. Vit les bêtes des mers, la chanson des dauphins, la plainte gigantesque des baleines mourantes, les accords de bancs de poissons incommensurables, le crépitement du plancton, les ondes en spirale quand des poissons expulsaient leur laitance, vit la résonance des flots, l’effondrement de montagnes souterraines, la stridence luisante et métallique des fleuves de laves, la chanson des marées, le jaillissement de l’écume, le bourdonnement de milliers de tonnes d’eau aspirées par le soleil, la rumeur, le craquement, l’éclatement d’énormes chœurs de nuages, les fanfares de la lumière…Que sont les mots ?