HUSTON Nancy - Les variations Goldberg (p.180-182)
... Ça c'est les adultes; les jeunes c'est pire encore.
Dans une salle carrée, très littéralement une boîte, trois mille personnes se tiennent debout. Le prix d'entrée est moins élevé qu'à l'Opéra mais c'est parce qu'aucun musicien n'est présent, ni ne le sera au cours de la soirée. En lieu et place de musiciens, il y a un homme enfermé dans une cage de verre au fond de la salle. Devant lui, deux plaques métalliques qui tournent toutes seules; sur chacune il pose une autre plaque en plastique noir. Au moyen d'une aiguille qui oscille dans leurs sillons, ces plaques produisent, en alternance, de la musique. Cette musqiue passe à son tour à travers d'énormes caisses noires recouvertes de trous qui amplifient de plusieurs dizaines de fois sa puissance. Les chansons ainsi jouées comportent des paroles - cette fois-ci dans la langue de ceux qui ont payé pour les entendre - , mais ces paroles sont rendues inaudibles, d'une part par les instruments de musique eux-mêmes, et d'autre part par le volume auquel elles sont transmises. Par contraste avec les deux situations précédentes, les trois milles personnes dans la salle ne se taisent pas, mais pour se faire entendre elles sont obligées de crier. En général, la moitié des gens communiquent de cette manière, tandis que l'autre moitié occupe la piste de danse. La dans consiste à déplacer le poids du corps d'un pied sur l'autre au rythme de la musique - invariable d'une chanson à l'autre - en remuant simultanément le troncs, les bras, et - s'il y a suffisamment de place - les hanches aussi. Chaque danseur se remue seul, bien qu'il puisse y avoir des couples (homme et femme, homme et homme ou femme et femme) : cependant ils sont tellement pressés les uns contre les autres qu'ils se heurtent continuellement. En plus de la brutalité de la musique et de celle de la danse, ces lieux sont caractérisés par un jeu d'éclairage d'une violence inouïe : les danseurs sont mitraillés de lumières tantôt rouges, tantôt vertes, tantôt bleues; et périodiquement - à des intervalles irréguliers - un éclair blanc comme la foudre déchire l'espace et donne à tous un aspect cadavérique. Cette impression est renforcée, du reste, par les habits, le maquillage et les coiffures des participants, qui appartiennent dans leur presque totalité à la jeunesse aisée de la grande ville, mais qui revêtent pour l'occasion tous les signes extérieurs de la misère la plus infâme...
Dans une salle carrée, très littéralement une boîte, trois mille personnes se tiennent debout. Le prix d'entrée est moins élevé qu'à l'Opéra mais c'est parce qu'aucun musicien n'est présent, ni ne le sera au cours de la soirée. En lieu et place de musiciens, il y a un homme enfermé dans une cage de verre au fond de la salle. Devant lui, deux plaques métalliques qui tournent toutes seules; sur chacune il pose une autre plaque en plastique noir. Au moyen d'une aiguille qui oscille dans leurs sillons, ces plaques produisent, en alternance, de la musique. Cette musqiue passe à son tour à travers d'énormes caisses noires recouvertes de trous qui amplifient de plusieurs dizaines de fois sa puissance. Les chansons ainsi jouées comportent des paroles - cette fois-ci dans la langue de ceux qui ont payé pour les entendre - , mais ces paroles sont rendues inaudibles, d'une part par les instruments de musique eux-mêmes, et d'autre part par le volume auquel elles sont transmises. Par contraste avec les deux situations précédentes, les trois milles personnes dans la salle ne se taisent pas, mais pour se faire entendre elles sont obligées de crier. En général, la moitié des gens communiquent de cette manière, tandis que l'autre moitié occupe la piste de danse. La dans consiste à déplacer le poids du corps d'un pied sur l'autre au rythme de la musique - invariable d'une chanson à l'autre - en remuant simultanément le troncs, les bras, et - s'il y a suffisamment de place - les hanches aussi. Chaque danseur se remue seul, bien qu'il puisse y avoir des couples (homme et femme, homme et homme ou femme et femme) : cependant ils sont tellement pressés les uns contre les autres qu'ils se heurtent continuellement. En plus de la brutalité de la musique et de celle de la danse, ces lieux sont caractérisés par un jeu d'éclairage d'une violence inouïe : les danseurs sont mitraillés de lumières tantôt rouges, tantôt vertes, tantôt bleues; et périodiquement - à des intervalles irréguliers - un éclair blanc comme la foudre déchire l'espace et donne à tous un aspect cadavérique. Cette impression est renforcée, du reste, par les habits, le maquillage et les coiffures des participants, qui appartiennent dans leur presque totalité à la jeunesse aisée de la grande ville, mais qui revêtent pour l'occasion tous les signes extérieurs de la misère la plus infâme...