DAUVEN Jean François - Le soliste (p.86-87)
... A l'entrée du palais de la Musique, Jean ressent son premier coup de coeur. Le guichet affiche "complet" en grandes lettres noires. Les gens se pressent au contrôle pour retirer les billets qu'ils ont dû acheter il y a des mois. Jean tourne sur lui-même dans le vaste hall, il ne sait pas quoi faire. L'espace est divisé en deux par de simples cordons de velours rouge mollement accrochés à des piquets amovibles. Une brèche dans cette clôture dérisoire est gardée par deux ouvreurs en smoking qui déchirent consciencieusement les coupons des billets et les empochent. Jean a cessé de tourner. De l'autre côté des rubans s'amasse la foule des gens dont l'entrée a été validée. Il ne quitte plus des yeux les deux ouvreurs. Celui qui lui fait face détourne la tête un bref instant; Jean enjambe le cordon. Il reste là un moment, pétrifié. Il doit avoir l'impression que tout le hall a murmuré quand il est passé et que des centaines d'yeux sont rivés sur lui. Il n'en est rien. L'ouvreur continue son travail. Méthodique. Jean fait quelques pas. Personne ne le regarde.
Après les ouvreurs viennent les ouvreuses. Celles qui vous indiquent vos places comme si vous ne saviez pas lire et tendent ensuite la main, discrètement où très ostensiblement, selon leur humeur ou leur tempérament. Jean connaît bien cette atmosphère. Il va souvent au concert. Il repère un couple : deux petits vieux qui marchent très lentement. L'ouvreuse se porte à leur rencontre, puis les guide dans la salle. Ils ont un train de sénateur. Parfait. Jean attend une minute ou deux. il pousse la porte, il doit avoir peur de tomber nez à nez avec l'ouvreuse, mais il n'y a personne. Il se précipite. La première sonnerie retentit.
Au parterre, toutes les places sont maintenant occupées et ce doit être pareil aux balcons. Les lumières commencent à baisser. Jean quitte le recoin dans lequel il s'était réfugié, marche à travers l'allée, ses épaules tremblent et sont légèrement voûtées. Mais lorsqu'il monte sur scène, il est calme de nouveau. Le murmure de la salle s'éteint; les gens doivent penser qu'il va leur demander de bien vouloir éteindre leurs téléphones portables...
Après les ouvreurs viennent les ouvreuses. Celles qui vous indiquent vos places comme si vous ne saviez pas lire et tendent ensuite la main, discrètement où très ostensiblement, selon leur humeur ou leur tempérament. Jean connaît bien cette atmosphère. Il va souvent au concert. Il repère un couple : deux petits vieux qui marchent très lentement. L'ouvreuse se porte à leur rencontre, puis les guide dans la salle. Ils ont un train de sénateur. Parfait. Jean attend une minute ou deux. il pousse la porte, il doit avoir peur de tomber nez à nez avec l'ouvreuse, mais il n'y a personne. Il se précipite. La première sonnerie retentit.
Au parterre, toutes les places sont maintenant occupées et ce doit être pareil aux balcons. Les lumières commencent à baisser. Jean quitte le recoin dans lequel il s'était réfugié, marche à travers l'allée, ses épaules tremblent et sont légèrement voûtées. Mais lorsqu'il monte sur scène, il est calme de nouveau. Le murmure de la salle s'éteint; les gens doivent penser qu'il va leur demander de bien vouloir éteindre leurs téléphones portables...