QUIGNARD Pascal - Tous les matins du monde (p.112-113)
... Alors
Monsieur Marais, frissonnant dans le froid, dehors, poussa lui‑même un soupir.
En soupirant de nouveau, il gratta la porte de la cabane.
« Qui est là qui soupire dans le silence de la nuit ?
‑ Un homme qui fuit les palais et qui recherche la musique. »
Monsieur de Sainte Colombe comprit de qui il s'agissait et il se réjouit. Il se pencha en avant et entrouvrit la porte en la poussant avec son archet. Un peu de lumière passa mais plus faible que celle qui tombait de la lune pleine. Marin Marais se tenait accroupi dans l'ouverture. Monsieur de Sainte Colombe se pencha en avant et dit à ce visage :
« Que recherchez‑vous, Monsieur, dans la musique ?
‑ Je cherche les regrets et les pleurs. »
Alors il poussa tout à fait la porte de la cabane, se leva en tremblant. Il salua cérémonieusement Monsieur Marais qui entra. Ils commencèrent par se taire. Monsieur de Sainte Colombe s'assit sur son tabouret et dit à Monsieur Marais:
« Asseyez‑vous! »
Monsieur Marais, toujours enveloppé de sa peau de mouton, s'assit. Ils restaient les bras ballants dans la gêne.
« Monsieur, puis‑je vous demander une dernière leçon ? demanda Monsieur Marais en s'animant tout à coup.
‑ Monsieur, puis‑je tenter une première leçon? » rétorqua Monsieur de Sainte Colombe avec une voix sourde.
Monsieur Marais inclina la tête. Monsieur de Sainte Colombe toussa et dit qu'il désirait parler. Il parlait à la saccade.
« Cela est difficile, Monsieur. La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut parler. En ce sens elle n'est pas tout à fait humaine. Alors vous avez découvert qu'elle n'est pas pour le roi ?
‑ J'ai découvert qu'elle était pour Dieu.
‑ Et vous vous êtes trompé, car Dieu parle.
- Pour l'oreille ?...
« Qui est là qui soupire dans le silence de la nuit ?
‑ Un homme qui fuit les palais et qui recherche la musique. »
Monsieur de Sainte Colombe comprit de qui il s'agissait et il se réjouit. Il se pencha en avant et entrouvrit la porte en la poussant avec son archet. Un peu de lumière passa mais plus faible que celle qui tombait de la lune pleine. Marin Marais se tenait accroupi dans l'ouverture. Monsieur de Sainte Colombe se pencha en avant et dit à ce visage :
« Que recherchez‑vous, Monsieur, dans la musique ?
‑ Je cherche les regrets et les pleurs. »
Alors il poussa tout à fait la porte de la cabane, se leva en tremblant. Il salua cérémonieusement Monsieur Marais qui entra. Ils commencèrent par se taire. Monsieur de Sainte Colombe s'assit sur son tabouret et dit à Monsieur Marais:
« Asseyez‑vous! »
Monsieur Marais, toujours enveloppé de sa peau de mouton, s'assit. Ils restaient les bras ballants dans la gêne.
« Monsieur, puis‑je vous demander une dernière leçon ? demanda Monsieur Marais en s'animant tout à coup.
‑ Monsieur, puis‑je tenter une première leçon? » rétorqua Monsieur de Sainte Colombe avec une voix sourde.
Monsieur Marais inclina la tête. Monsieur de Sainte Colombe toussa et dit qu'il désirait parler. Il parlait à la saccade.
« Cela est difficile, Monsieur. La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut parler. En ce sens elle n'est pas tout à fait humaine. Alors vous avez découvert qu'elle n'est pas pour le roi ?
‑ J'ai découvert qu'elle était pour Dieu.
‑ Et vous vous êtes trompé, car Dieu parle.
- Pour l'oreille ?...