POURRIOL Ollivier - Mephisto valse (p.125-126)
... Je me rends au concours longtemps après le passage de Zeitos. A l'expérieur de l'Opéra, je crois apercevoir la silhouette de Zakhor.
A l'intérieur, la demi-finale. Toujours le même présentateur. Monsieur Loyal en veste rouge flamboyante; après quelques simagrées vers le jury, où manque Ostreich, il annonce le candidat suivant : "Hiroko Takeshi". Un Japonais fait son entrée sur scène, des lunettes noires et rondes lui font deux trous de tête de mort à la place des yeux. Il est aveugle. Une jeune fille timide le guide. Il est grand et voûté, avec un sourire figé, il se cogne les genoux dans le tabouret du piano, toujours en souriant. Dans l'applaudissement qui l'accueille avec une chaleur pleine de pitié, il salue plusieurs fois, courbant l'échine à angle droit avec les jambes; Il manque se cogner violemment le crâne contre le coin du tabouret. La jeune fille l'aide à s'asseoir, puis se retire. Il promène ses doigts le long du clavier, sans le toucher, pour en éprouver l'envergure. Quelque chose ne va pas, il tâtonne sur le côté du tabouret, trouve la molette, et veut régler seul la hauteur de son siège. Il se trompe d'abord de sens, et fait jouer la vis à l'envers. Quand il s'en aperçoit, il recommence le même manège dans l'autre sens. Personne n'a pensé à lui régler son tabouret. Et personne ne fait mine de vouloir l'aider. Il patauge dans sa nuit, tout seul devant trois mille paires d'yeux qui regardent sa main visser et dévisser désespérément la mollette d'un tabouret de piano, dans un silence pathétique. Soudain il pousse un petit cri. Il ramène sa main vers la bouche, et met son index entre ses lèvres. Il se dandine de douleur. Les premiers chuchotements s'élèvent quand on comprend qu'il vient de se coincer un doigt...
A l'intérieur, la demi-finale. Toujours le même présentateur. Monsieur Loyal en veste rouge flamboyante; après quelques simagrées vers le jury, où manque Ostreich, il annonce le candidat suivant : "Hiroko Takeshi". Un Japonais fait son entrée sur scène, des lunettes noires et rondes lui font deux trous de tête de mort à la place des yeux. Il est aveugle. Une jeune fille timide le guide. Il est grand et voûté, avec un sourire figé, il se cogne les genoux dans le tabouret du piano, toujours en souriant. Dans l'applaudissement qui l'accueille avec une chaleur pleine de pitié, il salue plusieurs fois, courbant l'échine à angle droit avec les jambes; Il manque se cogner violemment le crâne contre le coin du tabouret. La jeune fille l'aide à s'asseoir, puis se retire. Il promène ses doigts le long du clavier, sans le toucher, pour en éprouver l'envergure. Quelque chose ne va pas, il tâtonne sur le côté du tabouret, trouve la molette, et veut régler seul la hauteur de son siège. Il se trompe d'abord de sens, et fait jouer la vis à l'envers. Quand il s'en aperçoit, il recommence le même manège dans l'autre sens. Personne n'a pensé à lui régler son tabouret. Et personne ne fait mine de vouloir l'aider. Il patauge dans sa nuit, tout seul devant trois mille paires d'yeux qui regardent sa main visser et dévisser désespérément la mollette d'un tabouret de piano, dans un silence pathétique. Soudain il pousse un petit cri. Il ramène sa main vers la bouche, et met son index entre ses lèvres. Il se dandine de douleur. Les premiers chuchotements s'élèvent quand on comprend qu'il vient de se coincer un doigt...