DETAMBEL Régine - Opéra sérieux (p.28-29)
...Une heure de concert vaut une vie
entière dans le ventre d’un tambour nègre. Le brassage, le vannage du corps, le
tannage de la chair et des viscères par les millions de mouvements d’ondes
lentes ou rapides, que les parois de la salle se renvoient les unes les autres,
dans de grands élans de trampoline, expliquent assez bien, en plus du plaisir
d’ordre purement musical, cet état d’exaltation, d’exaspération, d’écrasement,
d’égarement, où se trouve toujours Elina à la fin d’un concert. Elle titube
dans l’allée centrale, avec la crainte de tomber. La musique la rend folle mais
en même temps elle la tient, elle la porte, en l’assurant que le deuil n’est
qu’une propédeutique au plaisir et qu’il faudrait perdre cent fois sa mère pour
pouvoir se délecter sans fin des douceurs de la tristesse.
Et tout le temps que dure la liaison du ténor Marsch avec sa nouvelle maîtresse, tout va bien, le cauchemar que la fillette a fait jusque-là de l’œil injecté de sang qui la regarde et de la pieuvre accrochée à sa gorge sans qu’on puisse rien faire pour l’extirper disparaît en chansons. Mais quand l’une des plus belles incarnations de Kundry et le ténor Marsch se séparent, alors la petite est arrêtée au seuil du sanctuaire et recommence à souffrir d’on ne sait quoi, en tout cas d’un mal négligeable par rapport au chômage, aux familles expulsées et sans foyer dans tout le pays, aux suicides de Juifs criblés de dettes.
Elle demande, épouvantée : Pourquoi les enfants meurent ? Combien de temps on peut vivre ?...
Et tout le temps que dure la liaison du ténor Marsch avec sa nouvelle maîtresse, tout va bien, le cauchemar que la fillette a fait jusque-là de l’œil injecté de sang qui la regarde et de la pieuvre accrochée à sa gorge sans qu’on puisse rien faire pour l’extirper disparaît en chansons. Mais quand l’une des plus belles incarnations de Kundry et le ténor Marsch se séparent, alors la petite est arrêtée au seuil du sanctuaire et recommence à souffrir d’on ne sait quoi, en tout cas d’un mal négligeable par rapport au chômage, aux familles expulsées et sans foyer dans tout le pays, aux suicides de Juifs criblés de dettes.
Elle demande, épouvantée : Pourquoi les enfants meurent ? Combien de temps on peut vivre ?...