DEMURE Jean Paul - Aix Abrupto (14-15)
… Dans son exaltation, Sandrine
se dirige vers la fenêtre, se drape dans le vieux rideau de sombre peluche que
lui a donné la concierge, et ferme les yeux. Gérard la regarde se gonfler
d’air, se dresser sur ses ergots, élargir les narines…
Non !
Si !
O zitt’re nicht, mein lieber Sohn !
Du bist unschulig, weise, fromm
Monsieur Grossman s’arrête pile, à quatre marches de son paillasson. Cette voix ! Cette voix pure aux sonorités éclatantes et cependant veloutées, ces graves descendus en souplesse, ce timbre clair qui tombe du ciel sur lui, pauvre Grossman. Quelle merveille, quelle splendeur! Il donne toutes les Berganza, toutes les Caballe, il s’agenouille sur la marche, près de son panier à légumes, il se recueille. Il connait les paroles par cœur :
Ne tremble pas, mon fils chéri !
Tu es pur, sage et bon.
Un jeune homme tel que toi
Saura consoler ce douloureux cœur de mère
La reine paraît, resplendissante d’étoiles, au creux de ses montagnes béantes, dans la rougeur nocturne d’un feu sombre…
C’est un ravissement ! Les vibrations le pénètrent et le laissent pantelant, c’est grandiose, du bonheur pour le monde entier !
Ou presque.
Un malheur pour Gérard Santi, qui se repent d’avoir provoqué Sandrine. Il déteste l’opéra, il déteste ces femmes tendues à rompre, portées par une voix inhumaine, ces aigus douloureux, ces grimaces, ce visage ravagé par l’effort --, ce visage qu’il aime tant caresser --, ces yeux exorbités, ces bouches béantes jusqu’à la luette, cette langue qui se tord, ces joues bourrées de lentilles où cogne et se répercute le vacarme tonitruant qu’aucune trompette n’oserait exhaler…
Non !
Si !
O zitt’re nicht, mein lieber Sohn !
Du bist unschulig, weise, fromm
Monsieur Grossman s’arrête pile, à quatre marches de son paillasson. Cette voix ! Cette voix pure aux sonorités éclatantes et cependant veloutées, ces graves descendus en souplesse, ce timbre clair qui tombe du ciel sur lui, pauvre Grossman. Quelle merveille, quelle splendeur! Il donne toutes les Berganza, toutes les Caballe, il s’agenouille sur la marche, près de son panier à légumes, il se recueille. Il connait les paroles par cœur :
Ne tremble pas, mon fils chéri !
Tu es pur, sage et bon.
Un jeune homme tel que toi
Saura consoler ce douloureux cœur de mère
La reine paraît, resplendissante d’étoiles, au creux de ses montagnes béantes, dans la rougeur nocturne d’un feu sombre…
C’est un ravissement ! Les vibrations le pénètrent et le laissent pantelant, c’est grandiose, du bonheur pour le monde entier !
Ou presque.
Un malheur pour Gérard Santi, qui se repent d’avoir provoqué Sandrine. Il déteste l’opéra, il déteste ces femmes tendues à rompre, portées par une voix inhumaine, ces aigus douloureux, ces grimaces, ce visage ravagé par l’effort --, ce visage qu’il aime tant caresser --, ces yeux exorbités, ces bouches béantes jusqu’à la luette, cette langue qui se tord, ces joues bourrées de lentilles où cogne et se répercute le vacarme tonitruant qu’aucune trompette n’oserait exhaler…