CH'ONGJUN Yi - L'harmonium (p.148-150)
...Il avait répliqué au fils de son
ancien élève sur le ton de la réprimande et du ressentiment. Puis il se tut,
comme s'il avait tout dit.
Dans la pièce régnaient une grande tension et un lourd silence. M. Chongsôn ne savait que faire. Il lui était malaisé de se prononcer pour l'un ou pour l'autre. Il se leva sans dire un mot comme s'il allait aux toilettes. Il sortit de la chambre, laissant là les deux autres, en se moquant de ce qui ‑pouvait se passer. Le temps de faire un tour de jardin et de fumer une cigarette, M. Chongsôn n'entendit aucun bruit sortir de la chambre. Elle semblait encore emplie de ce silence tendu. Il serait difficile d'apprendre quelque chose de plus. Tongu, en insistant dans son ambition de récolter un maximum de renseignements, n'avait fait que blesser le vieil instituteur. En tant que père, M. Chongsôn se sentit obligé par correction de faire reculer son fils. il rentra dans la chambre. Mais à partir de ce moment‑là, le vent se mit à tourner du côté où on ne l'attendait pas. En entendant le bruit de la porte poussée par M. Chongsân, l'instituteur ouvrit les yeux et montra un visage qui exprimait un renoncement, comme s'il était convaincu que le père allait soutenir son fils. Soudain, il murmura tout doucement à Tongu:
‑ Tiens, toi qui es instituteur, tu dois savoir jouer de l'harmonium.
Tongu ne comprit pas cette surprenante réaction et ne sut que répondre. L'instituteur n'attendit pas la réponse, se tourna vers l'harmonium et l'ouvrit.
‑ Je ne sais pas s'il en sort encore des sons. je l'ai gardé comme ça, mais je ne sais pas en jouer. Ça fait plus de trente ans que je n'ai pas entendu la musique de cet instrument. Toi, tu enseignes aux enfants avec une licence officielle de l’État, donc tu dois savoir jouer,
En parlant ainsi, il conviait Tongu à se mettre à jouer. L'instituteur extirpa d'un coin de l'harmonium une liasse de vieux papiers de différentes tailles qu'il posa dessus. Tongu, l'air étonné par ce que lui demandait l'instituteur, vint néanmoins s'asseoir devant l'instrument.
‑ Ce sont des partitions de chansons anciennes.
Tongu, regardant les feuillets posés sur l'harmonium, s'enquit auprès de l'instituteur. Celui-ci commença à raconter calmement l'histoire cachée de ces partitions.
‑ C'est ça, ce sont les partitions de vieilles chansons. Des partitions de chansons qui ont quarante ans déjà... J'en avais gardé une partie quand j'étais instituteur et j'en ai récupéré une autre quand j'ai fait apporter l'harmonium ici... Tout comme ce vieil harmonium, les chansons de ces partitions n'ont pas non plus été jouées depuis. Je t'ai déjà dit, je ne sais pas en jouer. Je n'attendais en fait que le moment où quelqu'un viendrait jouer des chansons de l'époque. Même sans pouvoir les jouer, le plus important était de garder l'espoir qui s'y trouvait. Mais personne ne les a plus jouées. Sans même parler de chant, les gens ont peur de mettre le pied sur cette île... Tu seras le premier à en jouer depuis... Joue‑m'en quelques‑unes maintenant. Et ne pense pas trop au titre ou aux paroles. Si tu joues, peut-être en sauras‑tu un peu plus long. je n'ai que ça à raconter...
Comme s'il avait trouvé ce qu'il attendait depuis longtemps, l'instituteur déposa l'une après l'autre avec le plus grand soin les partitions devant Tongu. Devant la joie qui illuminait ses yeux et l'enthousiasme de sa demande, Tongu n'hésita pas une seconde. Il s'assit sur le siège que l'instituteur poussait vers lui et posa ses mains sur le clavier de l'harmonium pour tester la qualité du son de l'instrument. Il se mit à jouer lentement les mélodies qu'il lisait sur les partitions que lui présentait l'instituteur.
Le son de l'harmonium était encore clair malgré une éternité passée dans l'abandon et le silence. Quand Tongu appuya sur la première touche du clavier, la note qui en sortit emplit tellement la chambre que l'instituteur Pang et M. Chongsôn en furent soudain ébahis.
Dans la pièce régnaient une grande tension et un lourd silence. M. Chongsôn ne savait que faire. Il lui était malaisé de se prononcer pour l'un ou pour l'autre. Il se leva sans dire un mot comme s'il allait aux toilettes. Il sortit de la chambre, laissant là les deux autres, en se moquant de ce qui ‑pouvait se passer. Le temps de faire un tour de jardin et de fumer une cigarette, M. Chongsôn n'entendit aucun bruit sortir de la chambre. Elle semblait encore emplie de ce silence tendu. Il serait difficile d'apprendre quelque chose de plus. Tongu, en insistant dans son ambition de récolter un maximum de renseignements, n'avait fait que blesser le vieil instituteur. En tant que père, M. Chongsôn se sentit obligé par correction de faire reculer son fils. il rentra dans la chambre. Mais à partir de ce moment‑là, le vent se mit à tourner du côté où on ne l'attendait pas. En entendant le bruit de la porte poussée par M. Chongsân, l'instituteur ouvrit les yeux et montra un visage qui exprimait un renoncement, comme s'il était convaincu que le père allait soutenir son fils. Soudain, il murmura tout doucement à Tongu:
‑ Tiens, toi qui es instituteur, tu dois savoir jouer de l'harmonium.
Tongu ne comprit pas cette surprenante réaction et ne sut que répondre. L'instituteur n'attendit pas la réponse, se tourna vers l'harmonium et l'ouvrit.
‑ Je ne sais pas s'il en sort encore des sons. je l'ai gardé comme ça, mais je ne sais pas en jouer. Ça fait plus de trente ans que je n'ai pas entendu la musique de cet instrument. Toi, tu enseignes aux enfants avec une licence officielle de l’État, donc tu dois savoir jouer,
En parlant ainsi, il conviait Tongu à se mettre à jouer. L'instituteur extirpa d'un coin de l'harmonium une liasse de vieux papiers de différentes tailles qu'il posa dessus. Tongu, l'air étonné par ce que lui demandait l'instituteur, vint néanmoins s'asseoir devant l'instrument.
‑ Ce sont des partitions de chansons anciennes.
Tongu, regardant les feuillets posés sur l'harmonium, s'enquit auprès de l'instituteur. Celui-ci commença à raconter calmement l'histoire cachée de ces partitions.
‑ C'est ça, ce sont les partitions de vieilles chansons. Des partitions de chansons qui ont quarante ans déjà... J'en avais gardé une partie quand j'étais instituteur et j'en ai récupéré une autre quand j'ai fait apporter l'harmonium ici... Tout comme ce vieil harmonium, les chansons de ces partitions n'ont pas non plus été jouées depuis. Je t'ai déjà dit, je ne sais pas en jouer. Je n'attendais en fait que le moment où quelqu'un viendrait jouer des chansons de l'époque. Même sans pouvoir les jouer, le plus important était de garder l'espoir qui s'y trouvait. Mais personne ne les a plus jouées. Sans même parler de chant, les gens ont peur de mettre le pied sur cette île... Tu seras le premier à en jouer depuis... Joue‑m'en quelques‑unes maintenant. Et ne pense pas trop au titre ou aux paroles. Si tu joues, peut-être en sauras‑tu un peu plus long. je n'ai que ça à raconter...
Comme s'il avait trouvé ce qu'il attendait depuis longtemps, l'instituteur déposa l'une après l'autre avec le plus grand soin les partitions devant Tongu. Devant la joie qui illuminait ses yeux et l'enthousiasme de sa demande, Tongu n'hésita pas une seconde. Il s'assit sur le siège que l'instituteur poussait vers lui et posa ses mains sur le clavier de l'harmonium pour tester la qualité du son de l'instrument. Il se mit à jouer lentement les mélodies qu'il lisait sur les partitions que lui présentait l'instituteur.
Le son de l'harmonium était encore clair malgré une éternité passée dans l'abandon et le silence. Quand Tongu appuya sur la première touche du clavier, la note qui en sortit emplit tellement la chambre que l'instituteur Pang et M. Chongsôn en furent soudain ébahis.