GLIKINE Alexandre - L'inconnu d'Aix (p.12-13)
... Quelle étrange sensation.
C'était comme si chaque phrase musicale, chaque thème repris par chaque instrument m'était immédiatement lisible, comme si une immense partition d'orchestre se déployait devant moi - en moi, plutôt - portant toutes les notes, toutes les altérations, les ornements, les ports de voix, les appogiatures. Mais non pas une simple partition en noir et blanc. Comment l'expliquer? C'était comme une succession de pages fluctuantes, colorée, mouvante, en trois dimensions, comprenant non seulement les portées et les notes, mais, comme en surimpression ou, devrais-je dire, en filigrane, les musiciens, les instruments, les visages attentifs des auditeurs, les laquais en livrée s'affairant dans la salle avec des chandeliers allumés, les tentures de velours rouge ornant les parois. Le tout, enchevêtré, superposé aux croches, doubles croches, clés, liaisons, tremblements... Comme, oui, comme dans un film, un très beau film même, mais mille fois plus complexe, plus fort, plus vrai. Un film où je jouerais mais qui ne passerait pas sur un écran devant mes yeux. Un film projeté en moi, à l'intérieur de mes globes oculaires, dans mon cerveau, dans mon être tout entier.
Bien sûr, je n'ai jamais vécu cela auparavant. Et je ne crois pas que ce cela soit jamais arrivé à qui que ce soit parmi les gens que je connais...
C'était comme si chaque phrase musicale, chaque thème repris par chaque instrument m'était immédiatement lisible, comme si une immense partition d'orchestre se déployait devant moi - en moi, plutôt - portant toutes les notes, toutes les altérations, les ornements, les ports de voix, les appogiatures. Mais non pas une simple partition en noir et blanc. Comment l'expliquer? C'était comme une succession de pages fluctuantes, colorée, mouvante, en trois dimensions, comprenant non seulement les portées et les notes, mais, comme en surimpression ou, devrais-je dire, en filigrane, les musiciens, les instruments, les visages attentifs des auditeurs, les laquais en livrée s'affairant dans la salle avec des chandeliers allumés, les tentures de velours rouge ornant les parois. Le tout, enchevêtré, superposé aux croches, doubles croches, clés, liaisons, tremblements... Comme, oui, comme dans un film, un très beau film même, mais mille fois plus complexe, plus fort, plus vrai. Un film où je jouerais mais qui ne passerait pas sur un écran devant mes yeux. Un film projeté en moi, à l'intérieur de mes globes oculaires, dans mon cerveau, dans mon être tout entier.
Bien sûr, je n'ai jamais vécu cela auparavant. Et je ne crois pas que ce cela soit jamais arrivé à qui que ce soit parmi les gens que je connais...