ARDITI Metin - La pension Marguerite (p.34-36)
...La répétition se passa mal.
Aldo donna le change durant le premier mouvement. Il rendit la cadence en bon artisan, l’orchestre exécuta sa part avec conviction, et l’Allegro se déroula correctement. Du travail de professioonnel, sans plus. A la fin du mouvement, Aldo demanda au chef d’orchestre de s’accorder de nouveau. Il observa la fente, puis rechercha le bruit sur le do de la corde de sol. Il le trouva et celui lui procura à nouveau un sentiment de sécurité. Il inspira longuement du nez et hocha la tête en direction du chef pour lui indiquer qu’il était prêt.
Dès que le chef lança le Larghetto, les choses se gâtèrent. Aldo n’était pas dans le morceau. Les phrasés lui paraissaient trop longs. Sur les sol-si, où le soliste a la liberté de fixer son tempo, il se précipita. Dans les passages sublimes où la descente à l’intérieur de soi-même s’imposait, il joua dans la hâte. Il était déboussolé. Deux fois le chef jeta un regard interrogateur dans sa direction ; En vain, Aldo jouait les yeux fermés.
Dans le Rondo, sa virtuosité sauva les meubles. Il le joua avec brio, mais sans grâce.
- Merci dit le chef.
C’était dit sans conviction. Aldo consulta sa montre. Il était midi vingt-cinq. Une journaliste l’attendait à une heure au bar de La Trémoille. Rose ne serait pas à l’hôtel avant deux heures. Dans le coffre de sa chambre d’hôtel l’attendait les feuillets. La perspective de les lire le terrorisait. Il décida de différer son retour et s’adressa au chef :
- Puis-je avoir encore deux petites minutes de temps d’orchestre ?
- Mesdames et messieurs, s’il vous plaît, la répétition n’est pas terminée, M. Neri souhaite reprendre un passage.
- Il ne s’agit pas de cela, dit Aldo, s’adressant aux musiciens. Je voudrais parler du bis. Je souhaite faire l’une des variations de Paganini, le Carnaval de Venise. Chacun connaît la petite polka.
Il en joua quelques notes, puis reprit :
- Il n’y a pas d’accompagnement prévu, mais si les pupitres cordes sont d’accord, on peut improviser un pizzicato dans la tonalité, une tierce puis une quinte puis une octave que les cordes reprennent en ritournelle pendant que je joue le thème. On peut essayer ? On démarre en sol.
Le chef donna le départ aux cordes et le bis de trois minutes à peine – un morceau piquant d’une grande élégance mais dénué de profondeur – fut enlevé à la perfection. Le bis serait un succès.
Aldo consulta encore sa montre. Une heure moins vingt –cinq.
Brusquement il changea d’avis. Il salua l’orchestre d’un geste rapide et se précipita à l’hôtel. Dès qu’il fut dans sa chambre, il posa son violon et sortit les feuillets du coffre...
Aldo donna le change durant le premier mouvement. Il rendit la cadence en bon artisan, l’orchestre exécuta sa part avec conviction, et l’Allegro se déroula correctement. Du travail de professioonnel, sans plus. A la fin du mouvement, Aldo demanda au chef d’orchestre de s’accorder de nouveau. Il observa la fente, puis rechercha le bruit sur le do de la corde de sol. Il le trouva et celui lui procura à nouveau un sentiment de sécurité. Il inspira longuement du nez et hocha la tête en direction du chef pour lui indiquer qu’il était prêt.
Dès que le chef lança le Larghetto, les choses se gâtèrent. Aldo n’était pas dans le morceau. Les phrasés lui paraissaient trop longs. Sur les sol-si, où le soliste a la liberté de fixer son tempo, il se précipita. Dans les passages sublimes où la descente à l’intérieur de soi-même s’imposait, il joua dans la hâte. Il était déboussolé. Deux fois le chef jeta un regard interrogateur dans sa direction ; En vain, Aldo jouait les yeux fermés.
Dans le Rondo, sa virtuosité sauva les meubles. Il le joua avec brio, mais sans grâce.
- Merci dit le chef.
C’était dit sans conviction. Aldo consulta sa montre. Il était midi vingt-cinq. Une journaliste l’attendait à une heure au bar de La Trémoille. Rose ne serait pas à l’hôtel avant deux heures. Dans le coffre de sa chambre d’hôtel l’attendait les feuillets. La perspective de les lire le terrorisait. Il décida de différer son retour et s’adressa au chef :
- Puis-je avoir encore deux petites minutes de temps d’orchestre ?
- Mesdames et messieurs, s’il vous plaît, la répétition n’est pas terminée, M. Neri souhaite reprendre un passage.
- Il ne s’agit pas de cela, dit Aldo, s’adressant aux musiciens. Je voudrais parler du bis. Je souhaite faire l’une des variations de Paganini, le Carnaval de Venise. Chacun connaît la petite polka.
Il en joua quelques notes, puis reprit :
- Il n’y a pas d’accompagnement prévu, mais si les pupitres cordes sont d’accord, on peut improviser un pizzicato dans la tonalité, une tierce puis une quinte puis une octave que les cordes reprennent en ritournelle pendant que je joue le thème. On peut essayer ? On démarre en sol.
Le chef donna le départ aux cordes et le bis de trois minutes à peine – un morceau piquant d’une grande élégance mais dénué de profondeur – fut enlevé à la perfection. Le bis serait un succès.
Aldo consulta encore sa montre. Une heure moins vingt –cinq.
Brusquement il changea d’avis. Il salua l’orchestre d’un geste rapide et se précipita à l’hôtel. Dès qu’il fut dans sa chambre, il posa son violon et sortit les feuillets du coffre...