ROUAUD Jean - Une façon de chanter (p. 150-151)
... En même temps que ce tourne disque artisanal, trois 45 tours
accompagnaient l’arrivage de Noël déposé à même le sol de la chambre des
parents, où nous avions, la veille au soir selon la tradition, rangé chacun une
de nos chaussures, et qui devait, ce Noël, se situer deux ou trois ans avant sa
mort : les Fables de la
Fontaine, dites par je ne sais qui, mais que personne ne réussit jamais à
écouter jusqu’au bout, les airs folkloriques de Bretagne qui nous faisaient
partir en courant au fond du jardin, et les danses hongroises de Brahms, que je
fredonne toujours, dont j’ai retrouvé les numéros, la 5, pour danseurs cosaques
et filles en robes brodées, et le délicat mouvement de balancelle de la 1.
Mais, dans cette trinité qui dénonce ses préoccupations culturelles, dont
faisait aussi partie la Bretagne, on ne trouvait pas de disque de Georges
Brassens, quand l’occasion eût été rêvée. Notre père en était-il revenu ?
On peut penser que les paillardises n’étaient pas d à son goût, lui que nous
n’avons jamais entendu raconter une seule histoire grivoise, et qu’il était
déjà passé à autre chose….
Il allait bientôt retrouver sa famille enchantée, comme la transposition musicale de ce qui avait été la grande aventure de sa vie, sorte d’exutoire à sa mélancolie de fils unique et à sa solitude d’orphelin : l’esprit de camaraderie. Il se découvrit une passion pour un chœur de neuf hommes , appelés les Compagnons de la chanson – peut être aussi pour lui un écho des compagnons de la Libération -, d’où émergeait la voix de ténor d’un soliste, et qu’il écoutait religieusement le dimanche matin, la tête appuyée sur sa main droite dont le coude reposait sur le bord du meuble recouvert d’un plastique adhésif en faux bois, une passion telle que nous avions tous leurs disques, grands et petits, et que je peux encore chanter la plupart des titres qui ne disent plus rien à personne : « on ne sait où il habite/ On l’appelle la marmite. » Ou : « Tout là-haut/ Plus haut que les oiseaux. » Ou encore : « Un mexicain basané/est allongé sur le sol. »…
Il allait bientôt retrouver sa famille enchantée, comme la transposition musicale de ce qui avait été la grande aventure de sa vie, sorte d’exutoire à sa mélancolie de fils unique et à sa solitude d’orphelin : l’esprit de camaraderie. Il se découvrit une passion pour un chœur de neuf hommes , appelés les Compagnons de la chanson – peut être aussi pour lui un écho des compagnons de la Libération -, d’où émergeait la voix de ténor d’un soliste, et qu’il écoutait religieusement le dimanche matin, la tête appuyée sur sa main droite dont le coude reposait sur le bord du meuble recouvert d’un plastique adhésif en faux bois, une passion telle que nous avions tous leurs disques, grands et petits, et que je peux encore chanter la plupart des titres qui ne disent plus rien à personne : « on ne sait où il habite/ On l’appelle la marmite. » Ou : « Tout là-haut/ Plus haut que les oiseaux. » Ou encore : « Un mexicain basané/est allongé sur le sol. »…