HALBERSTADT Michèle - L'incroyable histoire de mademoiselle Paradis (p.37-38)
... Quelques semaines plus tard, ils
se rendirent tous les trois dans la demeure de la Landstrasse pour assister à
un concert. Franz Anton Mesmer possédait depuis juin un instrument peu connu,
composé de récipients de verre plus ou moins remplis d’eau que l’on faisait
résonner par frottements. Il excellait à jouer de cet harmonica de verre qu’on
disait de toute beauté. La rumeur se propagea rapidement dans la capitale. Il
fallait avoir entendu ce son qualifié par Mesmer de « source d’harmonie
entre les hommes ». Les Viennois se vantant d’avoir l’oreille musicale,
les variations en solo de Mesmer devinrent le spectacle le plus couru de l’été.
Nina était grisée que Maria Thérésa s’y rende. Aucune curiosité artistique n’animait la servante qui n’appréciait la musique que pour danser dessus (« Chez vous, cela passe par les oreilles, chez moi c’est par les pieds ! » disait-elle). Elle éprouvait pour l’hôte de la soirée le genre d’admiration irrationnelle qu’une célébrité éveille parfois chez un cœur pur. Parce qu’un être porte beau et se trouve momentanément dans la lumière flatteuse de son époque, on le pare de qualités qu’il n’a pas mais qui justifient les superlatifs qu’on emploie à son sujet. Alors Nina veilla à ce que le chignon bas de sa jeune maitresse adoucisse l’effilé de son profil, que le parme de sa robe rehausse son teint de perle, que sa taille soit bien prise et son pied joliment cambré. C’était comme jouer à la poupée que de créer de la sorte une femme capable de séduire un homme tel que lui. Elle ne se souciait pas de la cécité de Maria Theresia. Une femme, lui expliqua-t-elle, est d’autant plus séduisante quand on la sait vulnérable. Ce soir-là, Maria Theresia eut le sentiment d’avoir saisi quelques nouvelles nuances du mot « féminité »...
Nina était grisée que Maria Thérésa s’y rende. Aucune curiosité artistique n’animait la servante qui n’appréciait la musique que pour danser dessus (« Chez vous, cela passe par les oreilles, chez moi c’est par les pieds ! » disait-elle). Elle éprouvait pour l’hôte de la soirée le genre d’admiration irrationnelle qu’une célébrité éveille parfois chez un cœur pur. Parce qu’un être porte beau et se trouve momentanément dans la lumière flatteuse de son époque, on le pare de qualités qu’il n’a pas mais qui justifient les superlatifs qu’on emploie à son sujet. Alors Nina veilla à ce que le chignon bas de sa jeune maitresse adoucisse l’effilé de son profil, que le parme de sa robe rehausse son teint de perle, que sa taille soit bien prise et son pied joliment cambré. C’était comme jouer à la poupée que de créer de la sorte une femme capable de séduire un homme tel que lui. Elle ne se souciait pas de la cécité de Maria Theresia. Une femme, lui expliqua-t-elle, est d’autant plus séduisante quand on la sait vulnérable. Ce soir-là, Maria Theresia eut le sentiment d’avoir saisi quelques nouvelles nuances du mot « féminité »...