GOUR Batya - Meurtre au Philharmonique (p.84-85)
... Étonnant avec
quelle rapidité une intimité s’était forgée entre eux, une intimité qui
permettait à Nita de lui faire ses
confidences tout en travaillant devant lui, mais qui, pour l’heure, l’empêchait
de faire la part des choses : était-ce la musique qui le touchait et le
bouleversait avec autant de forces ou bien les richesses foisonnantes qu’il
avait appris à connaitre de l’intérieur ? A nouveau, il entendit Nita lui
affirmer que « la vérité, c’est ce que tu ressens ». Mais
comment savoir ? Comment isoler les émotions uniquement engendrées par les
sons de tous les autres sentiments ? D’ailleurs, pourquoi ne pas
s’efforcer de retrouver, dans ce qu’elle interprétait à présent, les intentions
qu’elle avait voulu y mettre et non l’expression pure des notes ?
Existait-elle, l’expression pure des notes ? La musique avait-elle une
signification, si, en face, il n’y avait pas une âme pour l’écouter ? A se
référer au processus physique mise en branle par la transmission d’un son au
cerveau, toutes ces palabres perdaient leur sens. Il ne fallait pas oublier que
les sons n’existaient pas dans la nature et que leur perception résultait, en
fait, d’un processus mécanique. Ce n’était que dans le cerveau que les ondes se
transformaient. Il loucha vers le barbu assis à sa droite. En tant qu’invité de
Nita, Michaël avait eu droit à un fauteuil dans la rangée des gens importants.
Jamais il ne s’était trouvé si près de la scène, il pouvait voir jusqu’à la
plaque de bois rectangulaire dans laquelle le contrebassiste avait planté la
pique métallique de son instrument, la bande noire brillante sur le côté de son
pantalon ou encore les talons usés de l’altiste qui croisa les pieds sous sa
chaise, posa son alto sur l’épaule, inclina l’oreille gauche vers les cordes et
se pencha en avant.
Son voisin de droite griffonna quelque chose dans la marge de son programme. Que pensait, par exemple, ce respectable monsieur, critique musical sans aucun doute, qui étendit les jambes devant lui et abaissa les coins de sa bouche dans une expression de : voyons voir si vous arriverez encore à me surprendre. Etait-il lui aussi ému par la douleur vibrante du violoncelle ? Etait-il d’ailleurs capable de s’émouvoir à ce point ?..
Son voisin de droite griffonna quelque chose dans la marge de son programme. Que pensait, par exemple, ce respectable monsieur, critique musical sans aucun doute, qui étendit les jambes devant lui et abaissa les coins de sa bouche dans une expression de : voyons voir si vous arriverez encore à me surprendre. Etait-il lui aussi ému par la douleur vibrante du violoncelle ? Etait-il d’ailleurs capable de s’émouvoir à ce point ?..