CAPEK Karel - La vie et l'œuvre du compositeur Foltyn (p.49-50)
... J'ai toujours aimé la musique; je sentais en elle la même grandeur et la même pureté architecturales que dans les nombres, bien qu'il s'y mêle parfois quelque chose d'odieusement et épidermiquement humain. C'est pourquoi je détestais littéralement ce Foltyn et ses phrases ronflantes sur la musique, manifestation de l'élan vital. Je ne sais où il avait trouvé la théorie selon laquelle tout l'art dérive de la pulsion érotique primitive et relève de l'activité sexuelle. L'artiste est possédé par l'éros, affirmait-il, il n'a d'autres moyen d'exprimer et d'épuiser cette frénésie que la création, le plaisir et la douleur de la création. Ce qui me mettait hors de moi. "Dans ce cas, il n'a pas besoin de se produire en public!" Mais Foltyn ne s'avouait pas vaincu : tout art est une forme d'exhibitionnisme. La création artistique est un égoïsme divin : une manière de vivre totalement, sans limite, jusqu'au vertige, jusqu'à l'extrême limite du moi. "Et cette longue tignasse, grommelais-je, c'est aussi une façon de vivre jusqu'à l'extrême limite du moi?" Le jeune homme était un peu vexé. Il estimait avoir le droit de se distinguer du troupeau des ruminants comme il l'entendait. Bref, nous ne pouvions pas nous comprendre; en même temps, Foltyn ne parvenait pas à réprimer l'insupportable besoin de se soulager de ses grands mots et de confier à autrui ses opinions et ses états d'âme; il était sans doute assez seul bien qu'il se vantât à tout propos de ses relations et de ses aventures amoureuses...