CHARYN Jérôme - Mort d'un roi du tango (p.256-258)
...Bailen n'était pas très bon danseur, mais il dansa le tango avec Yolanda en l'honneur de son nouveau ministre, un homme de Medellin. Bailen était trop petit et trop lent; de plus, Bogota n'était pas le pays du tango. Les musiciens étaient incapables de tenir le rythme impitoyable du tango medellin.
Le nouveau ministre dissimulait sa rage. Personne ne réussit à le convaincre de danser. Ni Bailen, ni sa propre épouse. L'un des généraux s'approcha de Taita et lui murmura quelque chose à l'oreille.
"Toujours à faire l'imbécile, n'est-ce pas, notre Président?"
C'était Muzo, arborant toutes les médailles seyant à sa charge, le visage pareil à un masque de minuit sous les lustres de Bailen.
"Quelqu'un devrait demander au Conteur de démissionner.
-- Je ne suis pas d'accord, dit Ruben. Le Conteur tient les rênes du pays comme il peut.
-- Telle n'a pas toujours été votre opinion, Don Ruben... Ne m'avez-vous pas offert des millions de deutschemarks l'année dernière pour tuer cet homme?
-- Le blesser, dit Ruben. Pas le tuer. Et puis c'est le Danseur qui vous a fait cette offre, et non moi... Pourquoi ne l'avez-vous pas acceptée, d'ailleurs?
-- Parce que je gagnais beaucoup plus de deutschemarks tout seul, avec Bailen au pouvoir. Mais les temps ont changé.
-- Muzo, c'est pour aider le Conteur que je suis ici, pas pour le noyer.
-- Dommage, dit Muzo. Je crois bien que je vais aller voler votre épouse à Bailen, pour danser avec elle... Il faut bien que quelqu'un aide le Conteur, non?"
Le tango que dansait Muzo n'avait guère plus de ligne mélodique que celui de Bailen. Il avait l'air deux fois plus idiot, étant donné qu'il s'efforçait d'adapter l'expression méprisante du danseur de tango et que, sur lui, ce n'était qu'un masque de plus. On aurait dit un pantin dans les bras de Yolanda. Mais les Medellinos n'osaient pas rire. Muzo n'était pas Bailen. Muzo, lui, vous aurait coupé le cou au ras de la tête au premier signe ambigu à son endroit. Il tolérait Ruben, parce que Ruben avait été trafiquante.
La danse s'interrompit. Les musiciens se retirèrent. Les soldats fermèrent les portes de la salle de bal. Personne ne pouvait plus entrer ni sortir. Bailen et ses invités levèrent leurs gobelets de vin et portèrent un toast au nouveau ministre...
Le nouveau ministre dissimulait sa rage. Personne ne réussit à le convaincre de danser. Ni Bailen, ni sa propre épouse. L'un des généraux s'approcha de Taita et lui murmura quelque chose à l'oreille.
"Toujours à faire l'imbécile, n'est-ce pas, notre Président?"
C'était Muzo, arborant toutes les médailles seyant à sa charge, le visage pareil à un masque de minuit sous les lustres de Bailen.
"Quelqu'un devrait demander au Conteur de démissionner.
-- Je ne suis pas d'accord, dit Ruben. Le Conteur tient les rênes du pays comme il peut.
-- Telle n'a pas toujours été votre opinion, Don Ruben... Ne m'avez-vous pas offert des millions de deutschemarks l'année dernière pour tuer cet homme?
-- Le blesser, dit Ruben. Pas le tuer. Et puis c'est le Danseur qui vous a fait cette offre, et non moi... Pourquoi ne l'avez-vous pas acceptée, d'ailleurs?
-- Parce que je gagnais beaucoup plus de deutschemarks tout seul, avec Bailen au pouvoir. Mais les temps ont changé.
-- Muzo, c'est pour aider le Conteur que je suis ici, pas pour le noyer.
-- Dommage, dit Muzo. Je crois bien que je vais aller voler votre épouse à Bailen, pour danser avec elle... Il faut bien que quelqu'un aide le Conteur, non?"
Le tango que dansait Muzo n'avait guère plus de ligne mélodique que celui de Bailen. Il avait l'air deux fois plus idiot, étant donné qu'il s'efforçait d'adapter l'expression méprisante du danseur de tango et que, sur lui, ce n'était qu'un masque de plus. On aurait dit un pantin dans les bras de Yolanda. Mais les Medellinos n'osaient pas rire. Muzo n'était pas Bailen. Muzo, lui, vous aurait coupé le cou au ras de la tête au premier signe ambigu à son endroit. Il tolérait Ruben, parce que Ruben avait été trafiquante.
La danse s'interrompit. Les musiciens se retirèrent. Les soldats fermèrent les portes de la salle de bal. Personne ne pouvait plus entrer ni sortir. Bailen et ses invités levèrent leurs gobelets de vin et portèrent un toast au nouveau ministre...