PRÉVERT Jacques - Le tableau des merveilles (in Spectacle) (p.251-252)
CHANFALLA
Merci, Monsieur le Préfet, mais nous pouvons jouer en plein air. Inutile de vous déranger. Quant tout le monde aura pris ses billets, la séance pourra commencer.
LE SOUS-PRÉFET
Comment? C'est payant?
CHANFALLA
Les artistes ne vivent pas seulement de l'air du temps.
LE PRÉFET
Évidemment. Mais les paysans ne pourront pas venir, malheureusement...
CHANFALLA
Pourquoi?
LE PRÉFET
(embarrassé)
En voilà une question! Ils ne pourront pas venir parce que... parce que... enfin, parce qu'ils auront autre chose à faire. Chacun son métier. Le laboureur laboure, l'homme de peine peine, le musicien fait de la musique...
L'ENFANT
En avant la musique! (Il recommence à jouer, les trois notables grincent des dents.)
LE PRÉFET
Quel bruit! Mais c'est une musique de cimetière...
LE SOUS-PRÉFET
(trépignant)
On dirait qu'on gratte le dos d'une casserole avec un couteau ébréché...
LE CAPITAINE
C'est pas de la mélodie, c'est du vert de gris...
L'ENFANT
Excusez-moi, messieurs, mais c'est la musique de mon enfance. Je ne connais que celle-là... Ma famille est cachée dedans, c'est elle qui pousse le cri du souvenir. Est-ce ma faute si ma famille a la voix du caïman?
LE PRÉFET
(au capitaine)
Allez, enlevez, enlevez cet enfant, enlevez immédiatement, capitaine...
Le capitaine saisit l'enfant et s'éloigne avec lui en le secouant.
LE CAPITAINE
Toi, graine de bois de lit, tu vas me faire plaisir de me foutre le camp...
LE PRÉFET
(à Chanfalla)
De la musique, tant que vous voudrez, cher Monsieur, mais faites-nous de la musique convenable, de la musique de chambre par exemple. Mais cette musique de terrain vague, jamais! (Il hurle) Jamais, Jamais, Jamais!...
Merci, Monsieur le Préfet, mais nous pouvons jouer en plein air. Inutile de vous déranger. Quant tout le monde aura pris ses billets, la séance pourra commencer.
LE SOUS-PRÉFET
Comment? C'est payant?
CHANFALLA
Les artistes ne vivent pas seulement de l'air du temps.
LE PRÉFET
Évidemment. Mais les paysans ne pourront pas venir, malheureusement...
CHANFALLA
Pourquoi?
LE PRÉFET
(embarrassé)
En voilà une question! Ils ne pourront pas venir parce que... parce que... enfin, parce qu'ils auront autre chose à faire. Chacun son métier. Le laboureur laboure, l'homme de peine peine, le musicien fait de la musique...
L'ENFANT
En avant la musique! (Il recommence à jouer, les trois notables grincent des dents.)
LE PRÉFET
Quel bruit! Mais c'est une musique de cimetière...
LE SOUS-PRÉFET
(trépignant)
On dirait qu'on gratte le dos d'une casserole avec un couteau ébréché...
LE CAPITAINE
C'est pas de la mélodie, c'est du vert de gris...
L'ENFANT
Excusez-moi, messieurs, mais c'est la musique de mon enfance. Je ne connais que celle-là... Ma famille est cachée dedans, c'est elle qui pousse le cri du souvenir. Est-ce ma faute si ma famille a la voix du caïman?
LE PRÉFET
(au capitaine)
Allez, enlevez, enlevez cet enfant, enlevez immédiatement, capitaine...
Le capitaine saisit l'enfant et s'éloigne avec lui en le secouant.
LE CAPITAINE
Toi, graine de bois de lit, tu vas me faire plaisir de me foutre le camp...
LE PRÉFET
(à Chanfalla)
De la musique, tant que vous voudrez, cher Monsieur, mais faites-nous de la musique convenable, de la musique de chambre par exemple. Mais cette musique de terrain vague, jamais! (Il hurle) Jamais, Jamais, Jamais!...