PEIXOTO José Luis - Le cimetière de pianos (p.145-146)
... Elle s'assit sur le tabouret, rejeta ses cheveux derrière ses épaules, et ils tombèrent dans son dos. Un instant de silence absolu. Puis elle leva vers moi son visage pâle et ses doigts pressèrent les touches. Elle souriait; et sous sa musique, l'air du salon fut traversé de lignes droites invisibles : une construction de lumière. Ces notes étaient aussi son corps. C'étaient des points de sa peau qui n'existaient qu'un instant, qui restaient dans la mémoire et puis de défaisaient, se transformaient en air, en vie vivante. Même quand mon père fermait toutes les fenêtres de la menuiserie et s'asseyait pour jouer les pianos qu'il venait de réparer, et même dans mes rêves, jamais je n'avais entendu telle musique. C'était comme si les formes invisibles de ces sons entraient dans les jointures de tous les meubles, des objets, des corps, c'était comme s'ils entraient dans les jointures de toute la maison et divisaient la silhouette de chaque chose en ses éléments nets. C'était comme si tout l'air du monde entrait par points étincelants, et par instants révélaient les formes secrètes de l'air. Ses yeux ne cessaient de me voir. Frêle, son corps de balançait sur le tabouret en se rapprochant et en s'éloignant du clavier. Les mouvements de ses bras
Kilomètre neuf
étaient sûrs et élégants, tels des oiseaux qui se seraient posés sur l'étang d'un jardin : ses poignets fins, et lisses, et blancs, ses poignets de porcelaine...
Kilomètre neuf
étaient sûrs et élégants, tels des oiseaux qui se seraient posés sur l'étang d'un jardin : ses poignets fins, et lisses, et blancs, ses poignets de porcelaine...