GRIMAUD Hélène - Retour à Salem (p. 76-77)
... Cette disposition mit en évidence un dessin que je n'avais pas remarqué de prime abord, en partie parce qu’il avait été détérioré, en partie parce qu'il était redondant avec la lithographie qui m'avait plongée dans l'univers du Deuxième concerto de Brahms d'une façon si totale et si imprévue qu'elle avait focalisé toute mon attention. Si cette dernière portait le titre d’Évocation, Klinger avait intitulé le dessin Accord. Klinger avait représenté la même scène, mais à partir de points de vue différents. Il y avait toujours la terrasse, le pianiste, la harpe à tête d'homme. Mais la femme était maintenant assise à côté du musicien non plus nue, mais entièrement habillée. Elle tournait les pages de sa partition. On découvrait aussi que la terrasse était suspendue au-dessus de l'océan. Un escalier de bois menait aux vagues. Un triton et deux ondines arrachaient la harpe à la fureur des flots, et le triton grimaçait sous l'effort. Derrière ces personnages, sur la mer démontée, un voilier fortement incliné par le vent filait vers une île. Sur son rivage, entre deux montagnes, se dressait une succession de temples séparés par des cyprès. Des vapeurs épaisses, des nues tourmentées drapaient les pentes d'une montagne dont on ne devinait pas les cimes - étaient-ce celles qui cachaient la clairière de Würth?..