BOREL Vincent - Richard W. (p.103)
... Richard avait adoré les acclamations d'un public délirant. Sa musique avait suscité l'intérêt des meilleurs chanteurs allemands, le ténor Tichatschek et Wilhelmine Schröder-Devrient, redoutable croqueuse d'hommes, qui émoustillait le jeune compositeur sans qu'il en laissât rien paraître. Le roi Frédéric-Auguste avait, à l'époque, particulièrement goûté Rienzi et, dans la foulée, nommé Richard maître de sa musique, raidissant au passage quelques ministres courtisans. Aveuglement du souverain, prémonition de l'artiste.
- J'aime ton héros parce que c'est un révolutionnaire, grognait Bakounine. Mais l'opéra m'indiffère. Ce n'est pas un genre pour moi.
Ces avis, au lieu de dépiter Richard, ne faisaient que l'exciter.
-Mikhaïl, qu'attends-tu de la musique?
- Tout art peut élever le peuple et le régénérer par la beauté. Mais je préférerais plutôt entendre le ténor chanter "tuez-le", la soprano "pendez-le", tandis que la basse répéterait "
- Alors écoute-ça!
Sur son piano, le maître de chapelle empruntait alors au premier mouvement de la Neuvième de Beethoven le tremblement inquiétant des contrebasses hachuré d'accords fracassants. Et ils se mettaient à chanter à tue-tête les paroles meurtrières de Mikhaïl. Richard était le ténor, Bakounine la basse. Mais Minna, qui aurait pu s'amuser à jouer la soprano, se bouchait les oreilles.
- Ah, c'est
- J'aime ton héros parce que c'est un révolutionnaire, grognait Bakounine. Mais l'opéra m'indiffère. Ce n'est pas un genre pour moi.
Ces avis, au lieu de dépiter Richard, ne faisaient que l'exciter.
-Mikhaïl, qu'attends-tu de la musique?
- Tout art peut élever le peuple et le régénérer par la beauté. Mais je préférerais plutôt entendre le ténor chanter "tuez-le", la soprano "pendez-le", tandis que la basse répéterait "
- Alors écoute-ça!
Sur son piano, le maître de chapelle empruntait alors au premier mouvement de la Neuvième de Beethoven le tremblement inquiétant des contrebasses hachuré d'accords fracassants. Et ils se mettaient à chanter à tue-tête les paroles meurtrières de Mikhaïl. Richard était le ténor, Bakounine la basse. Mais Minna, qui aurait pu s'amuser à jouer la soprano, se bouchait les oreilles.
- Ah, c'est