ESI EDUGYAN - 3mns33s (p.19-20)
Hiero et moi on suivait les rues grises de Montmartre,
sans parler. Autrefois le refuge d’un jazz si vivant qu’on pouvait pas lui
résister, ses clubs s’étaient vendus aux Boches à présent.
Presque du jour au lendemain, les bars s’étaient remplis de poules bien nourries, avec des bas filés, qui susurraient d’horribles chansons pour la Gestapo. On prenait les petites rues pour éviter ces boîtes, mais du bruit s’en échappait, même à cette heure avancée. L’air était plutôt frais et Hiero a fourré les mains dans ses poches si profondément qu’il semblait avoir des ailes. L’aube pointait bizarrement, le ciel était brun comme du cuir. Une odeur de boue flottait sur tout. Je traînais quelques pas en arrière, vérifiant ma montre parce que j’sais pas, elle m’avait l’air de retarder.
« Écoute, tu crois qu’elle retarde ? » j’ai demandé au môme en lui collant ma montre à l’oreille.
Mais il s’est écarté et m’a juste regardé comme si j’avais perdu la boule.
On marchait entre les hauts immeubles qui se dressaient sombrement de chaque côté de la rue. Les ombres s’allongeaient dans les caniveaux. J’étais de plus en plus mal à l’aise.
« Y a rien d’ouvert à cette heure, mon vieux. Qu’est-ce qu’on fait, Hiero ? Qu’est-ce qu’on est en train de faire ?
– Le tabac de la Punaise est ouvert, le môme a dit. Il est toujours ouvert. »
Je l’écoutais pas. Je regardais autour de moi en me demandant ce qu’on ferait si un Boche tournait le coin. « Hé, tu te souviens de cette magnifique pépée l’autre soir au Club Noiseuse ? La frangine en costume d’homme ?
– Tu me reparles encore de cette tante ? » Hiero marchait vite sur ses longues jambes maigres.
« Tu sais, chaque fois que tu touches au tord-boyaux tu nous ressors ce travelo.
– C’était pas un travelo, mon frère, c’était une femme. Pur sucre.
– Tu parles de celle en costume vert ? Tout près de la scène ?
– C’était une Vénus, mon pote, premier choix. »
Hiero a rigolé. « Je te l’ai déjà dit, c’est un travelo, mon frère. Un homme. C’était écrit en toutes lettres sur son cul poilu.
– Je te fais confiance, tu t’y connais en culs poilus.
– Continue à confondre les deux, Sid, et tu verras ce qui arrive. Tu vas te retrouver au plumard avec un Frisé. »
Presque du jour au lendemain, les bars s’étaient remplis de poules bien nourries, avec des bas filés, qui susurraient d’horribles chansons pour la Gestapo. On prenait les petites rues pour éviter ces boîtes, mais du bruit s’en échappait, même à cette heure avancée. L’air était plutôt frais et Hiero a fourré les mains dans ses poches si profondément qu’il semblait avoir des ailes. L’aube pointait bizarrement, le ciel était brun comme du cuir. Une odeur de boue flottait sur tout. Je traînais quelques pas en arrière, vérifiant ma montre parce que j’sais pas, elle m’avait l’air de retarder.
« Écoute, tu crois qu’elle retarde ? » j’ai demandé au môme en lui collant ma montre à l’oreille.
Mais il s’est écarté et m’a juste regardé comme si j’avais perdu la boule.
On marchait entre les hauts immeubles qui se dressaient sombrement de chaque côté de la rue. Les ombres s’allongeaient dans les caniveaux. J’étais de plus en plus mal à l’aise.
« Y a rien d’ouvert à cette heure, mon vieux. Qu’est-ce qu’on fait, Hiero ? Qu’est-ce qu’on est en train de faire ?
– Le tabac de la Punaise est ouvert, le môme a dit. Il est toujours ouvert. »
Je l’écoutais pas. Je regardais autour de moi en me demandant ce qu’on ferait si un Boche tournait le coin. « Hé, tu te souviens de cette magnifique pépée l’autre soir au Club Noiseuse ? La frangine en costume d’homme ?
– Tu me reparles encore de cette tante ? » Hiero marchait vite sur ses longues jambes maigres.
« Tu sais, chaque fois que tu touches au tord-boyaux tu nous ressors ce travelo.
– C’était pas un travelo, mon frère, c’était une femme. Pur sucre.
– Tu parles de celle en costume vert ? Tout près de la scène ?
– C’était une Vénus, mon pote, premier choix. »
Hiero a rigolé. « Je te l’ai déjà dit, c’est un travelo, mon frère. Un homme. C’était écrit en toutes lettres sur son cul poilu.
– Je te fais confiance, tu t’y connais en culs poilus.
– Continue à confondre les deux, Sid, et tu verras ce qui arrive. Tu vas te retrouver au plumard avec un Frisé. »