COLWIN Laurie - Comment se dire adieu? (p.20-21)
...La première fois que j'ai entendu Amazing Grace dans une petite chapelle humide aux environs de Gainesville, en Floride, j'ai commencé à pleurer. Je n'ai pas pu m'empêcher de pleurer toute la journée, avec des interrogations.
- Pauvre petite fille blanche, on a pété un plomb, m'a dit Vernon.
J'éprouvais une haine saine et solide envers Vernon, comme tout le monde. Cela ne nous aurait pas surpris d'apprendre qu'il forniquait avec des lézards et volait la pension de veuves handicapées. Ruby le détestait peut-être aussi, mais c'était son moteur; il était le moteur de tout le monde. Il était issu d'une famille atrocement pauvre où les dix enfants dormaient dans une cabane et étaient probablement brutalisés, et il s'en était sorti. Il avait découvert Ruby, et, parce qu'il était capable de pincer les cordes d'une guitare d'occasion et qu'il possédait une ambition à côté de laquelle les feux de forêt ressemblaient à des bougies d'anniversaire, il s'était associé à Ruby, qui savait chanter, et s'était lancé à la conquête du monde. Il avait fait un long chemin. Chez eux, à La Nouvelle-Orléans, Ruby et lui vivaient dans une grande maison rose avec un piano rose dans le salon et un piano rose dans la salle de musique. Il conduisait une immense Cadillac noire et avait une collection de pistolets et de la guerre de Sécession. Ruby avait sa propre masseuse, son propre coiffeur, et quand elle est devenue vraiment très célèbre (j'étais alors partie depuis longtemps, comme dit la chanson), elle avait même une styliste et une nutritionniste à son service.
Ruby ne s’intéressait pas à la vie privée de ses employés. Les gens qui travaillaient pour elle, musiciens et danseurs, étaient pour elle autant de crabes ou d'araignées. Elle n'aimait pas voir quelqu'un qui avait des ennuis. La seule raison pour laquelle Vernon et elle m'ont vue pleurer, c'est parce que j'ai fondu en larmes à l'intérieur de l'église.
- C'est l'anniversaire de la mort de ma grand-mère, ai-je menti...
- Pauvre petite fille blanche, on a pété un plomb, m'a dit Vernon.
J'éprouvais une haine saine et solide envers Vernon, comme tout le monde. Cela ne nous aurait pas surpris d'apprendre qu'il forniquait avec des lézards et volait la pension de veuves handicapées. Ruby le détestait peut-être aussi, mais c'était son moteur; il était le moteur de tout le monde. Il était issu d'une famille atrocement pauvre où les dix enfants dormaient dans une cabane et étaient probablement brutalisés, et il s'en était sorti. Il avait découvert Ruby, et, parce qu'il était capable de pincer les cordes d'une guitare d'occasion et qu'il possédait une ambition à côté de laquelle les feux de forêt ressemblaient à des bougies d'anniversaire, il s'était associé à Ruby, qui savait chanter, et s'était lancé à la conquête du monde. Il avait fait un long chemin. Chez eux, à La Nouvelle-Orléans, Ruby et lui vivaient dans une grande maison rose avec un piano rose dans le salon et un piano rose dans la salle de musique. Il conduisait une immense Cadillac noire et avait une collection de pistolets et de la guerre de Sécession. Ruby avait sa propre masseuse, son propre coiffeur, et quand elle est devenue vraiment très célèbre (j'étais alors partie depuis longtemps, comme dit la chanson), elle avait même une styliste et une nutritionniste à son service.
Ruby ne s’intéressait pas à la vie privée de ses employés. Les gens qui travaillaient pour elle, musiciens et danseurs, étaient pour elle autant de crabes ou d'araignées. Elle n'aimait pas voir quelqu'un qui avait des ennuis. La seule raison pour laquelle Vernon et elle m'ont vue pleurer, c'est parce que j'ai fondu en larmes à l'intérieur de l'église.
- C'est l'anniversaire de la mort de ma grand-mère, ai-je menti...